« Comme un prince » fait l’éloge de la deuxième chance

Souleyman (Ahmed Sylla) prend sous son aile Mélissa (la Nordiste Mallory Wanecque). Photo ISSA FILMS/YZE/ORANGE STUDIO/FRANCE 3 CINÉMA

Croire en ses rêves : un thème récurrent dans le cinéma. « Un discours qu’il faut continuer à marteler », insiste Ali Marhyar, réalisateur de Comme un prince, en salle depuis ce mercredi.

Passionné de boxe, le jeune homme a vu tout au long de sa vie de jeunes champions se blesser, apprendre à 20 ans que leur carrière était terminée et sombrer dans la dépression mais «  la vie ne s’arrête pas à 20 ans, il y a toujours un espoir, un moyen de rebondir », assure-t-il.

Cette deuxième chance, c’est celle dont il veut parler et qu’il a écrite, en parallèle, pour ses deux principaux personnages : Souleyman (Ahmed Sylla), un jeune boxeur dont le destin olympique se retrouve brisé suite à une bagarre dans un bar et Melissa (la Valenciennoise Mallory Wanecque), une jeune adolescente placée en foyer, contrainte de se construire une carapace de rebelle pour se faire sa place. Deux âmes un peu perdues dont les chemins vont forcément se croiser et qui, en dépit de quelques péripéties, auront beaucoup à s’apporter l’une à l’autre.

« Initialement, en tant que comédien, je voulais m’écrire un rôle mais le co-auteur m’a conseillé de plutôt le réaliser et comme c’était trop compliqué de faire les deux, j’ai choisi de ne pas jouer et j’ai tout de suite su que ce serait Ahmed Sylla », poursuit Ali Marhyar.

Bonne nouvelle, l’évidence fut réciproque : «Sur 10 scénarios que je reçois, j’en refuse huit, j’ai le doute sur un et puis il y a celui où je sais très vite que je vais faire le film, indique Ahmed Sylla. Ce personnage c’est un cadeau, je n’étais pas destiné à être acteur, humoriste, j’ai su enfoncer des portes, rencontrer les bonnes personnes. Pour chaque mal, il y a un bien. On se morfond ou on avance. Souleyman part dans l’idée de se morfondre puis il va décider d’avancer. »

Même si le film regorge de moments drôles (essentiellement grâce aux seconds rôles, Jonathan Cohen et Jonathan Lambert), c’est une autre facette d’Ahmed Sylla qui ressort de ce film. Davantage en émotions, en sensibilité. « Ali n’a pas joué sur ma palette humoristique, il m’a fait prendre en maturité dans mon jeu. J’ai dû faire confiance mais comme c’est un film à la fois drôle et touchant, je ne me dénature pas et ça peut être une belle transition vers d’autres choses. »

Pour ne rien gâcher, le propos est servi par de formidables images avec le château de Chambord en toile de fond. « Originaire de Nantes, j’étais familier avec le château des ducs de Bretagne que j’ai visité plusieurs fois avec l’école, sourit Ahmed Sylla. Le château est pour moi un personnage à part entière du film. On apprécie d’avoir ce patrimoine culturel de dingue en France et ça donne envie de s’intéresser à l’histoire, de visiter d’autres châteaux ». De s’ouvrir d’autres horizons…

Comme un prince d’Ali Marhyar, en salle depuis ce mercredi 17 janvier, avec Ahmed Sylla, Mallory Wanecque, Jonathan Cohen, Julia Piaton, Jonathan Lambert.

Photo ISSA FILMS/YZE/ORANGE STUDIO/FRANCE 3 CINÉMA

Caroline Vignal s’interroge sur la quête du plaisir 2.0

Vincent Elbaz et Laure Calamy, un couple plus tout à fait sur la même longueur d'onde. Photo Chapka Films.

Trois ans après avoir emmené Laure Calamy vers un César grâce à son road trip en pleine nature lors du film Antoinette dans les Cévennes, la réalisatrice Caroline Vignal a, de nouveau, fait appel à son actrice fétiche pour une immersion dans un monde qui lui est également totalement inconnu : la jungle des applications de rencontres.

Iris et les hommes, une comédie joyeuse et légère où l’on suit la quête du plaisir 2.0 initiée par Iris (Laure Calamy) quadragénaire ayant réussi sa vie professionnelle (elle est dentiste dans un cabinet qui tourne bien) et sa vie de famille (mariée, mère de deux jeunes filles) mais qui souffre, en silence, du désert sexuel qui s’est instauré depuis des années au sein de son couple.

Les applications de rencontre vont-elles lui permettre de trouver l’épanouissement physique et psychologique qu’elle recherche ?

«  L’idée de ce film est venue au moment où je cherchais les financements d’Antoinette dans les Cévennes, confie Caroline Vignal. J’avais mis 20 ans à faire un deuxième film et je ne voulais pas que ça recommence, je savais que lorsque l’on en finit un, c’est comme un accouchement, on est exsangue et qu’il vaut donc mieux ne pas repartir de zéro. C’est suite à une soirée avec une amie qui n’avait selon moi pas du tout le profil pour aller sur les sites de rencontres et qui m’avait raconté comment ça se passait. J’ai voulu aller voir par curiosité mais il y avait une obligation de s’inscrire. Je l’ai donc fait et comme le personnage d’Iris, j’ai reçu plein de « like » et de messages. J’ai tout compilé, j’ai des amies qui s’y sont mises et qui me faisaient aussi suivre leurs messages. »

Le nom de Laure Calamy lui est tout de suite revenue en tête : « Laure n’est pas du tout Iris dans la vraie vie, c’est un rôle de composition mais comme j’allais raconter l’histoire d’un point de vue unique, j’avais besoin de m’identifier à la personne qui allait incarner ce personnage. Et j’avais envie de donner à Laure ce rôle de bourgeoise, de femme accomplie, qu’on ne lui donnait pas jusque-là. Elle a un génie comique mais aussi une palette de jeu incroyable, capable d’amener toutes les émotions et elle est très charnelle, elle allie tout ce dont j’avais besoin pour Iris. »

Le casting de son mari Stéphane (Vincent Elbaz) fut plus complexe : « J’avais envie que le mari renforce le mystère, qu’il soit a priori parfait et qu’on s’interroge davantage. C’est un peu comme ces couples que l’on connaît tous, que l’on envie tant ils semblent unis en apparence et qui finissent par se séparer sans que l’on sache vraiment pourquoi », indique-t-elle.

La réalisatrice reconnaît avoir aussi volontairement écarté l’idée d’un film plus dramatique avec une rencontre qui se passerait mal. « J’avais clairement envie de faire une comédie même si ce qu’on comprend du personnage d’Iris et de ce que risque ce couple n’est pas si joyeux que ça mais j’ai toujours l’espoir que la comédie me permette de dire des choses à un public qui n’est pas forcément de mon avis et que ça passe beaucoup mieux. »

Porté par une Laure Calamy lumineuse et de très bons seconds rôles (Suzanne de Baecque et Laurent Poitrenaux), Iris et les hommes ne porte pas de jugements définitifs, ni même de réflexions poussées sur les utilisateurs de ces sites de rencontres mais le film permet de passer un moment agréable. Comme les applis ?

« Iris et les hommes », déjà en salle. Comédie réalisée par Caroline Vignal avec Laure Calamy et Vincent Elbaz.

Photo Chapka films.

Quand Joachim Lafosse interroge le silence, ça fait du bruit dans les consciences

Daniel Auteuil et Emmanuelle Devos forment un duo impeccable dans ce nouveau film de joachim Lafosse. Photo Films du Losange.

C’est le film coup de poing de ce début d’année 2024 et ce n’est pas une surprise qu’il soit signé Joachim Lafosse. Le réalisateur belge n’est pas du genre à se défiler à l’heure de s’attaquer à des sujets sensibles. Il l’a déjà prouvé avec Élève libre (2008) et Les intranquilles (2021).

Cette fois avec Un silence, il s’inspire d’un fait divers qui a touché la Belgique, pour emmener son public en immersion au coeur d’une famille bourgeoise où Astrid (Emmanuelle Devos) et son mari, le célèbre avocat François Schaar (Daniel Auteuil), spécialiste de pédocriminalité, vont voir leur quotidien basculer dans le drame lorsque leurs enfants se mettent en quête de justice.

Le parti pris du réalisateur est très clair : « Je n’ai pas voulu donner ma vérité sur cette affaire mais évoquer cette honte, cette culpabilité et ce silence qu’elles engendrent chez les victimes comme chez les témoins. Quels sont les effets de ce silence ? Qu’est-ce qui a fabriqué ce silence ? Le film est écrit pour la défense de l’adolescent mais aussi celle de sa mère car elle est aussi une victime, elle n’a jamais demandé à ce que ce crime ait lieu. J’avais la préoccupation de garder un lien empathique du spectateur envers ce personnage qui a un silence si grave. »

Même si l’installation de l’histoire dans la première partie du film peut donner quelques sensations de longueur, Joachim Lafosse parvient rapidement à instaurer une atmosphère glaçante en s’appuyant sur l’immense talent de ses comédiens et notamment du duo Emmanuelle Devos-Daniel Auteuil.

Impeccable dans ce personnage de monstre à sang froid, habile manipulateur, le comédien a accepté un défi que beaucoup d’autres ont refusé avant lui : « Il a été très courageux. 5 ou 6 grands acteurs français m’ont dit que le scénario était très chouette, mais que le film y gagnerait plus qu’eux à ce qu’ils jouent dedans, avoue le réalisateur. Daniel, lui, ne s’est pas posé la question une seconde. Il voyait les nuances à donner à ce personnage. Il était soucieux de la manière dont on allait pouvoir garder une empathie du public envers Astrid, ça disait pourquoi il était là. Son souhait était de faire un film sur l’horreur que représente ce genre de situation. »

Emmanuelle Devos reconnaît, pour sa part, avoir mis un peu de temps à accepter : « J’avais reçu un premier scénario, je trouvais le thème intéressant mais je ne m’y voyais pas. Et puis après beaucoup d’échanges avec le scénariste, la lecture du scénario définitif, je me sentais davantage de le faire et j’ai fini par être totalement convaincue. Le silence dans les familles, ça m’intéresse depuis longtemps. En parlant autour de soi, on découvre que des cadavres dans les placards, il y en partout, dans toutes les familles, dans tous les pays, dans toutes les religions. »

Et puis il y a l’acteur inattendu de ce film : le silence, un personnage à lui tout seul, omniprésent, oppressant. L’une des forces de Joachim Lafosse est d’avoir su donner plus de puissances aux non dits qu’à des mots. «  Ce qui est intéressant, c’est qu’il n’y a justement pas de silence dans la maison. Tout le monde parle et c’est en ce sens que cette famille est criminelle, elle autorise le crime, elle ne l’interdit pas. Cette manière qu’à le personnage de l’avocat, en éblouissant de sa lumière l’extérieur, de se cacher, au point d’amener les victimes, dont il dépend , à lui, quand il est lui-même accusé. C’est ce qu’il a réussi à faire avec Astrid : une femme qui est fière de l’aider. C’est du génie pervers. La perversion c’est sa logique défensive, je pense que le personnage de François n’a malheureusement pas accès à la honte sinon il s’effondrerait tandis que la logique défensive d’Astrid est le déni, tout aussi dévastateur. Le déni n’est pas un choix, c’est inconscient et tous les spécialistes vous diront que c’est très difficile de sortir quelqu’un du déni. Pour parler, il faut être solide, bien accompagné, dans une estime de soi suffisante, être capable de tenir face à ce qu’on va perdre. Astrid n’a pas ces ressources. »

Envisagé il y a déjà sept ans, ce film n’avait pas pu se faire à l’époque, les producteurs jugeant le sujet trop dur. Depuis la libération de la parole a avancé et a sans doute permis de faire éclore ce film avec l’espoir pour son auteur de continuer à faire évoluer les pratiques. « Aujourd’hui quand les femmes parlent, il y a une solidarité magnifique. Quand les hommes parlent, ils restent le plus souvent isolés, il n’y a pas de sororité masculine. Si les hommes évoluent et se dévirilisent, il serait temps qu’ils soutiennent ceux qui parlent. »

Un silence. En salle depuis le 10 janvier, réalisé par Joachim Lafosse avec Emmanuelle Devos, Daniel Auteuil, Jeanne Cherhal et Matthieu Galoux.

Photo Films du Losange.

Olivier Delacroix, maître confesseur dans le respect et la bienveillance

Olivier Delacroix est aujourd'hui l'un des meilleurs pour recueillir des confidences sans tomber dans le voyeurisme. Photo France Télévisions

Déjà douze saisons pour l’émission Dans les yeux d’Olivier qui revient ce mercredi soir (22 h 55) sur France 2 avec un thème fort : «Enfants : les victimes oubliées des violences conjugales » Comme d’habitude, Olivier Delacroix réussit le tour de force de recueillir des confidences bouleversantes en prenant toujours garde de ne pas sombrer dans le pathos et encore moins dans le voyeurisme. Touché lui-même par plusieurs drames dans sa vie, l’animateur est bien placé pour savoir où pointer le curseur.

« On passe deux ou trois jours avec nos témoins et au début je les rencontre sans tourner. J’ai la volonté d’être vierge, je connais les grandes lignes de l’histoire mais pas plus, j’aime bien creuser, précise-t-il. On instaure une confiance telle que certains témoins vont très loin dans la confession. À nous de ne pas dépasser les frontières, il y a des choses qui doivent rester dans leur jardin à eux. D’ailleurs, vous remarquerez qu’on voit rarement les gens pleurer, c’est une recette pour nombre d’émissions mais, nous, ce n’est pas dans notre ligne. »

Comme chaque saison, Olivier Delacroix et son équipe ont sélectionné des sujets sociétaux comme les erreurs médicales, la possibilité d’échapper ou non à son milieu, les agriculteurs, les blessures du passé… Ils recueillent les témoignages d’anonymes mêlés à ceux de personnalités comme Cindy Bruna, Chris Marques ou Jérémy Ferrari. « C’est plus dur avec les personnalités car elles ont moins de spontanéité. Quand on est exposés, on réfléchit plus à ce que l’on dit mais je crois que la confiance dans le programme s’installe au fil du temps même si on essuie encore beaucoup de refus. »

« Je me suis posé la question d’accepter ou pas, avoue Chris Marques, victime d’erreurs médicales. C’est une période de ma vie dont je n’aime pas parler mais je me suis senti tellement seul et incompris à l’époque que je me suis dit que c’était important d’en parler pour aider ceux qui sont en plein dedans et aussi les rassurer en mettant en avant le fait que je m’en suis sorti. »

Olivier Delacroix aimerait, bien sûr, encore mettre en lumière de nombreux thèmes difficiles comme les enfants placés, le suicide d’un proche, la perte d’un enfant mais le confesseur avoue déjà se nourrir humainement à chaque tournage : « On fait 22 à 24 minutes sur chaque témoin, ça permet d’aller en profondeur. On sait que ça peut changer le regard des autres sur eux et on les prévient donc de cette nouvelle réalité. »

« Dans les yeux d’Olivier », dès ce mercredi 10 janvier (22 h 55) sur France 2.

Un avant-goût du festival d’Angoulême en gare Lille Europe

Des planches de Kaiju 8 ont investi les façades extérieures des halls de la gare Lille Europe. Photo David Paquin

Si vous êtes passés ces derniers jours devant la gare Lille Europe, votre regard a forcément été attiré par de drôles de créatures tout droit issues de l’imaginaire de Naoya Matsumoto, autrice de manga, et de son ouvrage Kaiju n°8. Un succès colossal au Japon, où il a dépassé le million d’exemplaires vendus, mais aussi en France avec plus de 20 000 ventes dès la première semaine.

Une exposition qui s’inscrit dans le cadre des manifestations culturelles organisées régulièrement par la SNCF, sous des formes variés, les expositions grands formats de photos, œuvres d’art se prêtant particulièrement aux grandes vitre des halles.

« Un accord existe depuis quelques années avec le festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Tout est centralisé par la direction des affaires culturelles et ensuite les œuvres sont disséminés dans les gares impliquées dans l’opération. Là, le choix du manga a été fait pour Lille Europe mais ailleurs il y a d’autres choses, tous les genres de la BD sont représentés », explique Christophe Rioux, enseignant-chercheur, spécialiste des questions culturelles à Sciences Po Paris, qui accompagne souvent la direction des affaires culturelles de la SNCF sur ce type d’opération.

Un livre sur 4 vendu aujourd’hui étant une BD et la moitié des BD achetées étant des mangas, l’exposition connaît un franc succès et attire un public jeune et pas seulement les voyageurs.

Photo David Paquin