Bérénice Bejo privilégie la mise en scène dans les séries

Bérénice Bejo a découvert avec plaisir l'univers de Séries Mania. Photo Olivier Vigerie

Membre du jury pour la compétition internationale, la comédienne Bérénice Bejo, César de la meilleure actrice pour The Artist avait déjà été sollicitée à plusieurs reprises pour venir sur le festival Séries Mania mais elle a longtemps refusé : « Mon attachée de presse, Nathalie Iund, qui est aussi celle du Festival, m’en parlait depuis des années mais je ne me sentais pas légitime car j’estimais ne pas regarder suffisamment de séries, avoue-t-elle. Comme je ne tournais pas cette année, j’ai accepté de venir, je ne le regrette pas et finalement je me rends compte que j’ai quand même vu pas mal de séries bien cotées. »

Sa référence ? « Les Soprano, je l’avais vue en 2008 et j’ai envie de la revoir. Breaking bad et Homeland m’avaient aussi tenu en haleine, j’ai beaucoup aimé True Detective et The Crown, dont j’avais adoré la mise en scène, les lumières, l’écriture. »

Un personnage qu’elle aurait aimé incarner ? « Celui de Carrie Mathison dans Homeland, une femme forte, intuitive avec un problème psychologique hyper intéressant à jouer ».

Toute la semaine, la comédienne a eu l’occasion de découvrir d’autres séries qui l’ont marquée : « Je critique une série comme je critique un film, j’aime qu’on me raconte des histoires, c’est aussi pour ça que je fais ce métier, poursuit-elle. La petite différence, c’est que je choisis de jouer un film avant tout pour le scénario alors que le plus important, à mes yeux, quand je regarde une série, c’est la mise en scène, comment le réalisateur va raconter l’histoire. Le scénario et le développement des personnages arrivent dans un second temps. »

Bérénice Bejo a aussi apprécié ses échanges avec ses partenaires du jury, la réalisatrice Charlotte Brändström, le comédien allemand Malik Bauer, le rappeur et acteur Sofiane Zermani ou encore le réalisateur américain Zal Batmanglij. « La connexion dans un festival ne se fait pas de la même façon que sur des tournages, peut-être qu’un jour je travaillerai avec certains d’entre eux. On a très vite été tous raccords sur beaucoup de points et même s’il y aura une petite discussion, je crois qu’on sera unanime pour la série que l’on va primer. »

Le jury a pu visionner deux épisodes à chaque fois mais n’a pas échangé avec les différentes équipes pour ne pas être influencé. Le verdict sera rendu ce vendredi soir, lors de la cérémonie de clôture.

Le grand public pourra, lui, retrouver Bérénice Bejo dans plusieurs longs métrages cette année : un film italien Another end ; un film de César Diaz, Mexico 86, tourné au Guatemala ou encore Sous la Seine, attendu avant l’été sur Netflix.

Photo Olivier Vigerie

Anne Freches, la musique comme fil rouge

Anne Freches a gardé d'excellents souvenirs de ses dix ans à Lille.

Reliée au théâtre du Nord depuis sa création en 2003, l’école professionnelle supérieure d’art dramatique de Lille, rebaptisée école du Nord en 2014, forme depuis vingt ans les comédien(ne)s et metteurs en scène de demain. Sous la responsabilité de David Bobée depuis 2021, après avoir été entre les mains de Stuart Seide puis de Christophe Rauck, elle a mis le pied à l’étrier à de nombreux talents. Après Julien Gosselin et Nine d’Urso, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Anne Freches, qui sera ce vendredi soir (20 h) en spectacle salle Grand Sud à Lille dans Héros (we can be) avec la compagnie rêvages.

Il y a quelques semaines, la jeune femme est revenue à l’école du Nord mais, cette fois de l’autre côté de la barrière, en qualité d’intervenante. Un retour aux sources qui lui a fait chaud au coeur : « Je suis trop contente de ce que l’école est devenue, la promo actuelle est excellente avec un très bon esprit et des profils très divers ».

Il y a vingt ans, la jeune femme a essuyé les plâtres avec la première promotion sous la direction de Stuart Seide : « L’école n’avait rien à voir avec ce qu’elle est devenue aujourd’hui mais nous avions une super promotion. J’ai passé le concours en 2023, il y a eu un stage avec trois groupes de dix personnes, l’alchimie a été incroyable et les dix membres de notre groupe ont été pris. Nous sommes encore tous très proches, la plupart de mes meilleurs amis actuels sont issus de cette promotion. »

Anne Freches évoque une expérience fondatrice, se souvient des matinées plutôt axées sur l’histoire du théâtre et le sport et des après-midi d’apprentissage avec différents metteurs en scène : « Je venais de Paris mais j’ai tout de suite adoré Lille, la ville, les gens… L’enseignement de Stuart était excellent, il nous a donné des outils concrets, une méthode que l’on pouvait ensuite appliquer partout. »

Le midi, elle profitait également de sa pause pour rejoindre le conservatoire de chant lyrique dans le Vieux-Lille : « La chanson était déjà très présente dans ma vie, j’ai pris des cours de formation musicale, des cours de chœurs, précise-t-elle. J’avais besoin d’être dans deux univers différents et le chant me permettait aussi d’être parfois un peu dans ma bulle. » Pour son premier spectacle, La dispute de Marivaux, elle a d’ailleurs chanté un air de Monteverdi.

La musique a toujours été un fil rouge dans une carrière déjà bien remplie : « J’ai joué l’opéra de 4 sous avec Vincent Goetals au théâtre du peuple à Bussang, j’ai joué avec mon groupe de Rock au Main Square festival d’Arras, j’ai chanté dans l’émission Taratata, j’ai réalisé plein de rêves mais j’en ai encore beaucoup d’autres  », sourit-elle.

Anne Freches a fait partie de plusieurs groupes JoAnne, Lolito ou encore Annette et Mathi, elle a réalisé des ciné-concerts pour enfants avec Xavier Leloux. Aujourd’hui, elle a intégré la compagnie rêvages de Sarah Lecarpentier, une autre ancienne élève de l’école du Nord, et elle travaille sur un ensemble totalement acoustique, dans une esthétique pop afin de « faire groover les gens, même s’il peut y avoir des moments contemplatifs ».

Anne Freches sera ce vendredi 22 mars (20 h), salle Le Grand Sud à Lille, dans le spectacle « Héros (we can be) » de Sarah Lecarpentier avec la compagnie rêvages.

Photo Manon Jalibert.

L’interview « Series Mania » d’Eléonore Bernheim et Nicolas Gob

Nicolas Gob et Eléonore Bernheim, le tandem de choc de l'art du crime.

Venus, mercredi, rencontrer leurs fans sur le village du Festival Series Mania à Lille, Eléonore Bernheim et Nicolas Gob ont été surpris par l’accueil qui leur a été réservé. « Il y avait des gens venus de Finlande, de Suède, des Pays-Bas, c’est vrai que nous sommes diffusés dans 70 pays mais grâce à ce rendez-vous, on voit des chiffres en chair et en os car habituellement on nous donne les audiences mais là c’est concret on voit les gens en vrai et ce sont tous des connaisseurs de la série », apprécie Eléonore Bernheim.

Plusieurs jeunes filles sont encore venues la voir pour lui dire que son personnage de Florence Chassagne leur a donné envie de faire des études en histoire de l’art.  « Ces rencontres concrétisent quelque chose qu’on ne mesure pas réellement le reste du temps, confirme Nicolas Gob, alias le capitaine Antoine Verlay. C’est super de voir l’impact que ça peut avoir sur les gens, la série s’installe au fil des années, elle prend une certaine ampleur. »

Après la comédienne et réalisatrice franco-belge Bérengère McNeese (HPI), et Laurent Kérusoré, le comédien historique de Plus belle la vie, le tandem de l’Art du crime (France télévisions), s’est prêté au jeu. 

Quelles sont les séries qui ont marqué votre jeunesse ?

Nicolas : « J’ai grandi en Belgique mais je regardais des séries françaises, des sitcoms plus précisément, c’était ma passion. Hélène et les garçons ou les Filles d’à-côté, j’ai passé du temps à regarder ça et aujourd’hui encore mon plaisir coupable c’est de parfois tomber sur les Mystères de l’amour et de rester devant. Il y avait un côté ultra-addictif, le jeu était appuyé mais ça marchait grave. »

Eléonore : « Je me souviens surtout d’une série animée comme Il était une fois l’histoire mais ensuite j’ai beaucoup regardé Beverly Hills et il y a quelques mois, j’ai d’ailleurs tourné avec Jason Priestley (Brandon) dans le téléfilm Mort sur la Piste.»

Quelles séries recommanderiez-vous à un ami ?

Nicolas : «  J’en ai plusieurs mais celle qui m’a vraiment marqué, c’est Dark, la plus travaillée, la plus complexe, ça a mis des années d’écriture. Une autre que j’ai adoré et que j’ai d’ailleurs vu deux fois, c’était Les papillons noirs, j’ai trouvé ça extraordinaire. »

Eléonore : « : Je vais citer Les Soprano car chaque épisode est un chef d’œuvre en soi. J’ai aussi adoré Mare of Easttown avec Kate Winslet, elle est dingue. »

Quel rôle vous aimeriez incarner ?

Nicolas : « J’ai adoré The Boys, une série irrévérencieuse sur des super héros qui pètent des câbles. Jouer un super héros en vrai dépression sociale qui a tous les pouvoirs de la terre, ce serait pas mal. »

Eléonore : « être à la place de Kate Winslet dans Mare of Easttown m’aurait vraiment plu sinon on me propose rarement des personnages plus sombres. J’aimerais aller explorer cette zone-là, ça me plairait bien. »

Photo France Télévisions.

Une triple débauche d’énergie pour Sébastien Castro

Sébastien Castro et José Paul réservent des scènes hilarantes. Photo production

Inquiet de voir sa femme Marion (Laurence Porteil) tomber sous le charme de leur agent immobilier (Sébastien Castro), Arnaud (José Paul) pense avoir une idée géniale en tombant, par hasard, sur le sosie de son possible rival. Son plan : faire passer celui-ci pour le véritable agent immobilier mais ce qu’il ne sait pas, c’est que le fameux sosie a, lui-même, un frère jumeau. On vous laisse imaginer les quiproquos qui vont s’en suivre dans cette pièce hilarante portée par un Sébastien Castro irrésistible dans un triple rôle.

Pour sa deuxième pièce en tant qu’auteur, le comédien ne s’est pas épargné : « Pendant 25 ans, je n’ai été que comédien et puis j’ai découvert sur le tard que je pouvais écrire. J’ai longtemps trouvé de bonnes raisons pour repousser ce passage à l’écriture mais j’ai fini par me forcer et j’ai réalisé un fantasme de comédien en interprétant trois rôles. Une vraie prouesse d’autant que les personnages qu’il incarne sont parfois presque simultanément sur la scène .

« C’est une folie car je déteste habituellement me changer pendant une pièce mais c’est tellement jouissif de passer de l’un à l’autre, de voir le public rigoler mais aussi être surpris. Beaucoup de gens pensent d’ailleurs que nous sommes au moins deux à jouer, c’est un énorme compliment. »

Après le succès de sa première pièce, J’ai envie de toi, Sébastien Castro avait très envie d’écrire pour José Paul et de jouer en sa compagnie. Agnès Boury (la voisine) et Laurence Porteil (Manon) ont également vite été choisies. « ça m’a permis de réécrire un peu le texte et j’ai été très inspiré par les acteurs », assure l’auteur.

Le travail d’écriture et de création engendrent de vraies montagnes russes émotionnelles : « Je n’ai pas d’enfant mais je crois qu’il y a quelque chose de l’ordre la paternité, estime-t-il. Quand tout va bien, la joie est décuplée mais j’imagine que si ça se passait mal, la tristesse le serait également. »

Sur ce point, Sébastien Castro et ses camarades semblent à l’abri. Après un démarrage sur Toulouse en juillet 2022, la pièce s’est installée à Paris pendant près d’un an avec un immense succès et la tournée en province s’annonce déjà bien remplie, au point qu’une deuxième date a été ouverte en juin au Colisée de Roubaix. « C’est une pièce qui demande plus d’énergie, je dors donc davantage sans culpabiliser et j’assume de faire moins de choses dans la journée. Je dois arriver reposé car switcher entre trois personnages nécessite une concentration extrême. »

Loin de se limiter à ce succès, Sébastien Castro a déjà commencé à écrire une troisième pièce, où il s’est également attribué un rôle. On a hâte de voir.

« Une idée géniale », ce jeudi 21 mars (20 h) et le jeudi 13 juin (20 h) au Colisée de Roubaix. Une pièce de Sébastien Castro avec Sébastien Castro, José Paul, Agnès Boury et Laurence Porteil.

Guillaume Canet face à ses interrogations dans Hors-Saison

Mathieu (Guillaume Canet) retrouve le sourire en retrouvant Alice (Alba Rohrwacher). Photo Michael Crotto

Mathieu (Guillaume Canet), la cinquantaine, est un acteur reconnu, qui semble avoir réussi sa vie. C’est pourtant un homme mélancolique qui se rend, seul, en thalasso dans une station balnéaire déserte, dans un hôtel trop blanc, trop grand, trop aseptisé. Le hasard va pourtant le remettre sur le chemin d’un amour passé, Alice (Alba Rohrwacher), la quarantaine, prof de piano.

Ils se sont aimés, quittés et chacun a continué sa vie. Leurs retrouvailles vont faire remonter à la surface tout un tas de souvenirs, d’émotions mais aussi d’interrogations. Mathieu et Alice vont requestionner leur relation qui ne s’est pas terminée de la bonne manière : « Ils vont se dire les choses mais sans pugilat, ce n’est pas du règlement de compte, assure le réalisateur, Stéphane Brizé. Cette semaine hors-saison va faire office de bascule pour les deux personnages qui ne seront plus les mêmes après ça. »

« J’ai beaucoup aimé cet aspect de l’homme qui arrive à un stade de son existence où il se demande s’il est justement à la bonne place, s’il est bien avec la femme de sa vie. Il pensait passer toute sa vie avec une femme forte qui réussit mais il a fait le tour de cette histoire et il se rend compte qu’il n’est pas heureux », confie Guillaume Canet.

«  Je sortais de quatre films en six ans où chaque personnage est confronté à une désillusion et j’ai fait le même parcours qu’eux, avec la même désillusion sur le monde, ce qui me rend plus clairvoyant mais aussi plus mélancolique, indique Stéphane Brizé. J’étais parti sur un film social mais ça ne faisait pas sens, j’ai voulu y mettre une forme de douceur, prendre le temps de voir si on est à la bonne place, avec la bonne personne, si on a ouvert les bonnes portes. »

Pour Guillaume Canet, qui avait déjà interprété son propre rôle dans Rock’n roll, incarner de nouveau un acteur n’a pas été une contrainte. « J’ai pris du plaisir à tourner des séquences drôles dans le Spa avec les gens qui venaient me demander des selfies mais c’était aussi intéressant de montrer dans le film comme dans la vie que pour un acteur c’est parfois compliqué car les gens ont tendance à fantasmer nos vies, à penser que l’on a la vie de nos personnages, poursuit-il. Là, Mathieu veut faire comprendre à Alice qu’il est quelqu’un de banal, qu’il a des sentiments, des peurs comme tout le monde ; qu’il ne se sent pas au dessus de tout, pas plus fort, pas meilleur qu’un autre. »

« Pour les acteurs, ce n’est pas toujours simple, enchaîne Stéphane Brizé. C’est un métier qui m’émeut beaucoup. Ils reçoivent beaucoup de non, il faut encaisser les coups, je crois qu’on n’imagine pas à quel point ça peut être un métier d’humiliations. »

« Hors-saison », de Stéphane Brizé, en salle depuis ce mercredi 20 mars. Avec Guillaume Canet et Alba Rohrwacher.

Photo Michael Crotto