Après avoir déjà exploré, avec succès, les coulisses de la vie politique au cinéma, dans son film L’exercice de l’état, sorti en 2011, le réalisateur Pierre Schoeller y revient, cette fois pour une mini-série, Dans l’ombre, diffusée à partir de ce mercredi soir (21 h) sur France 2. L’homme a choisi, clin d’œil du destin, d’adapter le roman éponyme, sorti également en 2011, dont la particularité est d’avoir été écrit par l’ancien premier ministre Édouard Philippe et son ami et conseiller Gilles Boyer.
Construite en six épisodes de 52 minutes, la série nous convie à une immersion dans les coulisses d’une campagne à l’élection présidentielle avec pour point de départ la primaire de droite qui oppose Paul Francœur (incarné par Melvil Poupaud) à la radicale Marie-France Trémeau (Karin Viard). Le score sera serré, les deux clans vont devoir s’unir, malgré leurs divergences de point de vue, jusqu’à ce que la rumeur d’une fraude ayant faussé le résultat de la primaire ne vienne semer le trouble, obligeant César Casalonga (Swann Arlaud), le conseiller dévoué du candidat investi à user de tous les moyens pour tenter de sauver la situation.
Coups bas, alliances de circonstances, manigances vont rythmer cette série qui s’intéresse essentiellement aux personnes de l’ombre qui font tourner la machine derrière les têtes d’affiche. Dans l’ombre présente aussi la particularité de mettre en scène un candidat en fauteuil roulant : « Pour le personnage de Paul Francœur, on s’est inspiré du ministre allemand, Wolfgang Schäuble, handicapé suite à un attentat (un déséquilibré lui a tiré dessus), qui ne supportait pas qu’on touche à son fauteuil, c’est toujours lui qui le manœuvrait. On trouvait intéressant cette idée de contrôle, de maîtrise des choses, pour cet homme marqué dans sa chair, portant le deuil de son épouse. Melvil (Poupaud) a beaucoup travaillé sur les déplacements, les postures, le maniement du fauteuil… »
Psychologiquement, c’est visiblement pourtant plutôt pour Swann Arlaud que le tournage fut le plus compliqué : « Je ne fais pas de politique, je n’avais pas de référence en tête, ce qui m’a intéressé dans cette série, c’est la profondeur de mon personnage, un mec qui observe, reçoit, qui a certainement quelques réactions émotionnelles mais qui a toujours deux coups d’avance dans sa tête, confie le comédien, parfait dans ce rôle d’apparatchik. J’ai essayé de travailler son ambiguïté, son mystère, de le rendre méchant mais j’avoue que j’ai mis du temps à me remettre de ce tournage, je suis resté longtemps en confit intérieur car même si l’on n’est pas obligé de partager les convictions du personnage que l’on interprète, j’ai du mal à l’aimer et donc à le défendre. »
Le ressenti est bien différent pour Karin Viard qui a pris un vrai plaisir à pousser loin les curseurs : « Édouard Philippe m’avait expliqué avant le tournage que lorsque les femmes politiques parlent trop fort, elles donnent tout de suite l’impression d’être hystériques, ça m’avait fait rigoler, indique-t-elle. J’ai eu envie d’en faire une femme physiquement très agressive, sexuellement très assumée, je voulais offrir un vrai contrepoint et jouer des codes de la féminité, ce que font très peu dans la réalité les femmes politiques. »
« Cette série n’a pas pour vocation de porter un discours politique, poursuit la comédienne. Elle montre juste comment l’exercice de la politique est confronté à ce qui se passe dans la vie des personnages, les égos des uns et des autres. » L’actrice avoue qu’avoir touché du doigt ce milieu l’a conforté dans sa vision modérée des hommes politiques : « De l’extérieur, on a tendance à vite dire tous pourris mais malgré le cynisme ambiant, je pense que c’est un vrai investissement, presque un sacerdoce. Ça demande un engagement de tous les moments et je ne pense pas que tu fais ce type de carrière juste pour le fric ou la notoriété ».
« Dans l’ombre », mini-série en 6 épisodes de 52 minutes, dès ce mercredi 30 octobre (21 h) sur France 2. Avec Swann Arlaud, Karin Viard, Melvin Poupaud, Evelyne Brochu.