Son nom est incontournable sur toutes les scènes de France et même à l’étranger. Révélation théâtre 2023 d’après la société des auteurs, Penda Diouf a multiplié les projets ces dernières années. « La grande ourse », « Soeurs ; nos forêts ont aussi des épines », « Sorcières », « Gorgée d’eau », qui traite de l’environnement, mais aussi « Harriet Tubman, passeuse de l’ombre » ou encore « May Landschaften » tournent ou sont actuellement montées un peu partout sur le territoire et même en Allemagne pour la dernière de la liste, une pièce qui rend hommage à May Ayim, une poétesse afrodescendante allemande, très militante et très engagée. L’engagement, un terme qui colle au parcours de Penda Diouf, installée depuis près de cinq ans à Lille, dont presque tous les textes permettent de mettre à jour des histoires oubliées, minorées, invisibilisées.
« Pistes » qui sera du 22 au 25 janvier à l’affiche du théâtre du Nord, en est un parfait exemple. Retenue comme artiste associée pour trois ans par la structure culturelle lilloise, la jeune femme y évoque l’histoire du génocide allemand sur les peuples namibiens. « Elle parle notamment du premier camp de concentration et d’extermination de l’histoire de l’humanité créé par les Allemands en Namibie, comme un espèce de laboratoire de ce qui se fera plus tard au moment de la Shoah », souligne David Bobée, le responsable des lieux.
L’histoire de « Pistes », c’est aussi celle d’une jeune femme qui a répondu à l’appel de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques pour écrire un texte d’environ dix minutes sur la question du courage. « Je me suis posée la question de savoir si je m’étais sentie courageuse à un moment donné dans ma vie et j’ai repensé à un road-trip effectuée seule, pendant un mois et demi, en Afrique sur les traces de Frankie Fredericks, un athlète nambien de très haut niveau (toujours détenteur du record du monde du 200 m en salle, réalisé il y a près de trente ans à Liévin). »
Partie d’un format initial d’une dizaine de minutes, Penda Diouf a ensuite élaboré une forme longue de son texte, portée sur scène par Nan Yadji Ka-Gara. « C’est un monologue, je le jouais moi-même au début mais je ne me sentais pas à ma place, là je suis bien plus à l’aise à la mise en scène, précise–t-elle. Je voulais aussi dans ce spectacle évoquer la question du corps noir via notamment mon expérience de petite fille ayant subi des discriminations, des humiliations. »
L’autrice n’a rien laissé au hasard et a su s’entourer pour magnifier le moindre détail de sa pièce. Elle a ainsi fait appel à David Bobée et Léa Jézéquel pour la scénographie mais aussi à la chorégraphe Robyn Orlin « pour travailler cette question du corps et offrir des temps de respiration dans ce monologue assez dense »,
Au niveau du son, elle a sollicité Lundja Medjoun : « J’avais envie de travailler sur les dunes mugissantes, ce son particulier créé par les grains de sable qui roulent sur les dunes lorsque le vent souffle, explique-t-elle. Un son assez fantomatique assez intéressant puisque l’on parle de génocide, de mort. » Claire Gondrexon a été choisie pour reproduire au mieux la luminosité incroyable du ciel de Namibie. Enfin, Penda Diouf est partie une semaine, l’an passé, en Namibie avec Wojtek Doroszuk, pour faire des images qui accompagnent aussi le spectacle.
« Pistes » de Penda Diouf, du mercredi 22 au samedi 25 janvier au théâtre du Nord à Lille.