
C’est l’un des films les plus atypiques, les plus inclassables, de ce début d’année. Sans doute parce que l’idée de départ n’était justement pas de faire un film. Le comédien et réalisateur Mathias Mlekuz a eu le malheur, en 2022 de perdre son fils âgé de 28 ans, et il a ressenti le besoin de refaire le périple que Youri avait effectué quelques années plus tôt, de La Rochelle à Istanbul, à la recherche d’une femme à laquelle celui-ci avait clamé, à l’époque, son amour.
Mathias Mlekuz a proposé à Philippe Rebbot de l’accompagner dans ce voyage, s’adressant à l’ami plutôt qu’au comédien. Ce dernier a accepté les yeux fermés mais lui a, tout aussi rapidement, soumis l’idée d’en faire un film. Les deux hommes n’ont, toutefois, écrit aucun scénario, aucun dialogue. « On s’est dit qu’on allait improviser, confie Mathias Mlekuz. Hormis le petit discours au début, il n’y avait rien d’écrit. Pareil pour le tournage pendant le périple. On filmait pendant de longues périodes de plus d’une heure. On ne refaisait jamais une deuxième prise. On avait presque 150 heures de rush à la fin, on n’avait aucune obligation d’efficacité, », assurent-ils.
Un road trip à bicyclette plein d’authenticité, un hymne à l’amitié, qui nous fait osciller en permanence entre les rires et les larmes. Un film en forme de résilience pour son auteur ? « Oui et non, estime-t-il. Ni pendant, ni après, mais seulement maintenant avec l’accueil du public. Je ne m’attendais pas à ce qu’un sujet si intime devienne autant universel, que les réactions soient aussi fortes. Cette communion avec les spectateurs lors des avant-premières a été une vraie surprise, elle est apaisante, réconfortante mais ma tristesse est infinie, on a fait un film mais ce n’est pas pour ça que le drame n’est plus là, la perte de mon fils est irrémédiable. »
« Il n’y aura pas de résilience, la mort de Youri va l’accompagner tout au long de son existence, abonde Philippe Rebbot, mais il y aura bien sûr des moments de joie. Je serai là, avec d’autres, pour l’accompagner et comme on le dit dans le film essayer de mettre de la vie dans la mort. »
Convive inattendu de ce voyage, le chien Lucky fut, lui aussi, un partenaire précieux et discipliné. « Il a l’habitude de faire du vélo avec moi à Paris et de rester sage, sans bouger, dans la caisse », indique Mathias Mlekuz. « Lucky fait partie de la bande, confirme Philippe Rebbot. On ne soupçonne pas la sensibilité et je vais même dire l’humanité de ces animaux. Ce petit gars a une empathie folle, il ne fait pas de vagues, comme s’il avait compris qu’il devait accompagner le mouvement. On lui quand même mis des lunettes, on l’a fait jouer. Il a une « poker face » (visage impassible) qui rassure tout le monde. Et puis c’était une espèce de doudou, la nuit dans la tente, il y avait une présence, une vibration qui faisait du bien à des déprimés, des gens fragiles comme nous. »
À Bicyclette ! Un film de Mathias Mlekuz avec Mathias Mlekuz et Philippe Rebbot.