Parmi les dix spectacles retenus cette année par le Conseil régional des Hauts-de-France pour un accompagnement au Festival Off d’Avignon, qui débute ce mercredi 3 juillet , celui de Julie Botet retient particulièrement l’attention. Venue dans le Nord à l’âge de 18 ans depuis son Auvergne natale pour étudier au Ballet du Nord, où elle sera formée pendant trois ans au centre chorégraphique national de Roubaix, d’abord par Carolyn Carlson puis la dernière année par Olivier Dubois, la danseuse chorégraphe est ensuite partie étudier en Catalogne avant de revenir sur Bruxelles puis de poser ses valises à Lille à partir de 2017. « Je voulais créer, j’avais besoin de m’implanter quelque part, confie-t-elle. J’aimais beaucoup le Nord. En trois ans j’y avais déjà tissé un réseau social. »
Bébé, son premier solo, interroge notre rapport à la mort, aux cérémonies funéraires. « J’ai eu une véritable période de fascination pour l’œuvre de Frida Kahlo, j’ai lu et relu des tas de textes autour d’elle et j’ai été marquée par l’une de ses phrases « Je suis la désintégration » que je trouvais très forte. C’est un peu les prémices de ce projet, confie-t-elle. Dans mon histoire personnelle, pas mal de gens sont partis autour du moi et je me suis retrouvée observatrice de différentes personnes lors d’enterrements où j’ai eu la sensation qu’en Occident et particulièrement en France nous avions perdu le sens des funérailles. »
En compagnie d’un autre chorégraphe, Maxime Gomard, et du compositeur Nicolas Tarridec, Julie Botet a mené l’enquête : « Nous sommes allés à la rencontre de professionnels qui œuvrent sur les cérémonies funéraires, nous sommes aussi allés dans des cimetières, on a étudie la législation et tout ça a débouché sur le constat d’un rapport à l’argent affreux dans la mort et je me suis intéressée à l’espace qui sépare ces personnes qui vivent un deuil et celles en costume trois pièces qui leur parlent du coût des funérailles. »
Un choc pour l’artiste, élevée dans une famille athée, qui n’a jamais eu accès à la spiritualité dans sa jeunesse. « Je me demandais quand j’étais petite pourquoi à un enterrement on me parlait de Jésus alors que c’était une personne qui s’appelait Jean-Pierre qui était morte », indique-t-elle.
Le titre de l’ouvrage de Sophie Calle « Que faîtes-vous de vos morts ? » est une question que Julie Botet et ses camarades ont également souvent posé lors de leurs recherches au sein de la population. « C’était presque à chaque fois comme si on ouvrait un robinet, les gens avaient profondément besoin de parler de leurs morts et on a aussi vu que beaucoup conservent un objet en lien avec le défunt. »
Si le spectacle d’une cinquantaine de minutes contient quelques moments graves, une ambiance sonore et lumineuse particulière, il y a aussi des moments drôles, sarcastiques. « Bébé est une créature qui se trouve dans une zone entre la vie et la mort, qui met en place ses propres rites et les partage collectivement. »
Hormis une petite prise de parole anecdotique, il n’y a pas de texte, toute la narration se fait par le corps avec une mise en scène particulière : « Il y a du public en frontal mais il y a aussi deux rangées de public de part et d’autre, un peu comme un podium pour un défilé de mode. L’idée était de représenter une table lors d’un repas de famille. Les spectateurs font donc partie de la scénographie malgré eux. »
Après cinq ans de travail en binôme avec Mélanie Favre, au sein de la compagnie Les sapharides, Bébé est donc le premier spectacle porté en solo, par Julie Botet qui fourmille déjà d’idées pour l’avenir. « Un travail sur la monstruosité, précise-t-elle. Ce sera un point de vue plus autobiographique puisqu’en raison d’une malformation congénitale lymphatique assez rare, j’ai été un temps un enfant monstre et j’avais envie de parler de ce que l’on ressent dans la peau d’un cas d’école ou d’un monstre de foire. »
En attendant, elle se consacre à son premier Bébé et nourrit surtout l’espoir que ses passages à Avignon feront leur effet auprès des programmateurs.
Julie Botet jouera « Bébé » à la Scierie à Avignon, les jours impairs du 3 au 21 juillet, à 16 h 05.
Photo Camille Graule.