Entre des élèves de plus en plus difficiles, des parents menaçants ou démissionnaires, des collègues démotivés et une hiérarchie qui assume de moins en moins ses responsabilités, il ne suffit plus, de nos jours, d’avoir la vocation, il faut carrément avoir la foi pour devenir enseignant.
Le portrait sans concession de l’éducation nationale dressé par Teddy Lussi-Modeste dans son film Pas de vagues, sorti ce mercredi 27 mars dans les salles, est le parfait reflet du sentiment général. Il retranscrit hélas et surtout une triste réalité puisque cette fiction n’est que le récit de ce que le réalisateur, qui a aussi la double casquette de professeur, en collège en banlieue parisienne, a pu vivre et observer.
Le titre du film est inspiré de l’arrivée sur les réseaux sociaux du hashtag « Pas de vagues » apparu dans les années 2010 et revenu en force en 2018, qui avait accompagné un grand mouvement de libération de la parole dans le monde enseignant, dénonçant le silence de la hiérarchie face à la souffrance, la solitude des professeurs.
« Personnellement, il était important de raconter cette histoire pour que je puisse passer à autre chose. Tout ce qui est dans le film est vraiment arrivé, à moi ou à des collègues, précise Teddy Lussi-Modeste. Après, la présence d’Audrey Diwan, en co-réalisatrice, m’a permis de me décoller des événements pour aller vers la fiction et raconter comment ce professeur se retrouve lâché par une administration dépassée. »
Le film évoque Julien (François Civil), un professeur idéaliste, qui rêve de changer la vie de ses élèves et qui use, du coup, parfois, de méthodes un peu originales, dont la vie va basculer lorsque l’une de ses élèves, Leslie (Toscane Duquesne) l’accuse d’avoir des comportements inadaptés envers elle. Très vite la machine infernale s’emballe entre les rumeurs véhiculées par une bande de « mauvais » élèves menée par Océane (Mallory Wanecque), les menaces du grand-frère de Leslie, le manque de soutien de certains collègues et l’inaction du chef d’établissement.
La réussite du film tient à la richesse du scénario mais aussi à un casting de grande qualité avec la confirmation du talent de Mallory Wanecque, découverte dans Les pires, qui incarne ici parfaitement une petite peste mais aussi la révélation de celui de Toscane Duquesne dans le rôle tout en intériorité de Leslie.
Dans le rôle du professeur, François Civil est, comme toujours, impeccable : « J’ai été complètement happé par le scénario, cette histoire complexe, ce rôle passionnant, avoue-t-il. Mes deux parents sont professeurs donc ça me parle, j’ai hâte qu’ils voient le film et j’avais secrètement l’idée de jouer un prof un jour. C’est chose faite. C’est un personnage très intéressant à incarner psychologiquement, ce professeur qui sort un peu du cadre pour inspirer davantage. Pour tout dire, c’est la première fois qu’un personnage me dépasse un peu. Pendant un mois et demi, le temps du tournage, le matin en y allant et le soir en rentrant, j’étais comme alourdi de ce qui s’était passé durant la journée. Je me suis senti une responsabilité, peut-être que ça vient du fait que c’était un morceau de la vie de Teddy. »
Peut-être aussi parce que ce film doit servir à réveiller les consciences et aider à repenser notre système éducatif plutôt que de laisser couler le navire avec pour seul souci, à chaque étage, de surtout ne pas faire de vagues…
« Pas de vagues », de Teddy Lussi-Modeste et Audrey Diwan. Avec François Civil, Toscane Duquesne, Shain Boumedine, Mallory Wanecque… En salle depuis ce mercredi 27 mars.
Photo Kazak production / Frakas Production / France 3 Cinéma.