Installé en France pour suivre sa compagne depuis environ 20 ans, l’humoriste Sebastian Marx a rapidement intégré les codes de notre humour pour se faire une place de choix sur la scène française. Il explique son évolution à la veille de retrouver le public du Nord, ce mardi 21 janvier (20 h) au théâtre Sébastopol de Lille.
Sebastian, à quoi faut-il s’attendre dans ce nouveau spectacle ?
« Le précédent « Un New Yorkais à Paris » racontait un peu ma découverte de la France. Là, je voulais parler d’autre chose, davantage de ma vie actuelle. Le thème de ce spectacle est « La cigale et la fourmi » de La Fontaine. Ce n’est pas très drôle comme ça en apparence mais j’ai trouvé que cette fable faisait un joli cadre pour entourer toutes mes blagues. Je vais séparer les gens en deux parties : les fourmis plutôt prévoyantes, responsables, mais chiantes, et les cigales plutôt festives, spontanées, mais connes. On essaie de savoir qui est qui dans le public. »
Et vous, vous êtes plutôt cigale ou fourmi ?
« J’ai l’impression d’être cigale mais l’histoire de ma famille est très fourmi par obligation, mes grands-parents qui étaient juifs ont dû fuir les dictatures en Argentine et, forcément il faut prévoir les choses pour la suite. Il y a donc un peu cette « fourmitude » en moi, cet héritage familial. »
Les codes de l’humour ne sont pas forcément les mêmes aux États-Unis et en France. Qu’avez-vous retenu du premier spectacle pour construire le second ?
« J’ai appris que les Français aimaient bien que quelqu’un de l’extérieur se moque du pays, surtout un Américain. Je trouve qu’il y a une relation amour-haine entre la France et les États-Unis, donc j’ai voulu garder cet œil extérieur qui observe une culture. J’ai aussi appris comment jouer avec la langue et puis j’ai pris de la maturité, je suis plus à l’aise. Il y a 8-10 ans quand je faisais du stand-up je m’inquiétais beaucoup de ma diction. Là, je me suis dis que ça n’était pas grave si je faisais des fautes, je suis plus détendu sur scène. Sur le premier spectacle, je me prenais la tête pour bien prononcer les blagues. »
Quelles caractéristiques de l’humour français vous ont le plus marqué ?
« Ca fait déjà plus de vingt ans que je suis là, donc ça a beaucoup changé. Quand j’ai débarqué en France, je trouvais l’humour français assez théâtral, les one man show étaient très mis en scène et le stand-up que l’on connaît aujourd’hui n’existait quasiment pas à l’époque. Pour le public, l’important avant était que le gars sur scène soit un bon comédien, drôle et peu importe s’il écrivait ou pas ses textes. Ça a évolué petit à petit avec notamment le Jamel Comedy club et j’ai l’impression que même les gens qui font encore des sketchs écrivent désormais presque tous leurs textes donc ça devient de plus en plus personnel. Les Français donnent de l’importance à la sincérité et au texte. Ils veulent savoir qui est la personne sur scène ; ils n’attendent pas qu’il se cache derrière un personnage. »
Avant de venir, vous aviez des références dans l’humour français ?
« Sincèrement personne. Aux États-Unis, personne ne connaît les humoristes français. C’est difficile d’exporter son humour là-bas surtout si tu évoques des faits de société ou l’actualité du pays. Et puis il faut bien maîtriser la langue, adapter le spectacle. »
Vous parliez déjà bien le français en arrivant ici ?
« Non, je partais de zéro, c’était drôle. Les premières fois que je suis monté sur scène ce n’était pas catastrophique mais c’était très scolaire, j’apprenais phonétiquement juste pour sortir les blagues c’était très robotique, je ne pouvais pas m’amuser avec le texte. »
Vous écrivez vos textes seuls ?
« Je travaille avec Navo (Bruno Muschio), qui avait co-écrit la série télévisée « Bref » avec Kyan Khojandi. J’ai besoin de passer mes blagues devant les yeux d’un Français pour les valider. Ma compagne m’aide aussi beaucoup car je n’ai pas toutes les références culturelles et politiques. »
Vous continuez aussi à jouer aux États-Unis…
« Oui j’ai un spectacle en Anglais très différent. Depuis deux ans, je joue beaucoup en Californie pour des Français qui habitent là-bas. Je partage des vidéos dans les deux langues mais ça marche mieux en Français. Je fais les deux, pas spécialement pour les États-Unis, mais pour aller partout en Europe. J’ai joué les deux à Londres et bien qu’ils soient différents, ils ont tous les deux bien fonctionné. Je trouve qu’il y a une sensibilité qui reste la même. »
Vous retrouvez un public lillois que vous connaissez déjà bien désormais. Impatient ?
« Dans le Nord il y a une identité culturelle très forte. Je me suis bien amusé quand j’en suis venu à dire des gros mots en ch’ti. Lille, c’est un très bon public, qui a envie de rigoler. »
« On est bien là », spectacle de Sebastian Marx, ce mardi 21 janvier (20 h) au théâtre Sébastopol de Lille.
Photo Kobayashi