Reliée au théâtre du Nord depuis sa création en 2003, l’école professionnelle supérieure d’art dramatique de Lille, rebaptisée école du Nord en 2014, forme depuis vingt ans les comédien(ne)s et metteurs en scène de demain. Sous la responsabilité de David Bobée depuis 2021, après avoir été entre les mains de Stuart Seide puis de Christophe Rauck, elle a mis le pied à l’étrier à de nombreux talents. Après Julien Gosselin, nous avons eu le plaisir d’aller à la rencontre de Nine d’Urso, issue de la sixième promotion, juste après une représentation de Dom Juan en novembre à Tourcoing.
Initiée au théâtre par un proche dès l’âge de treize ans, la jeune femme n’a pourtant pas rêvé dès son adolescence de devenir elle-même comédienne. Elle se revendique, en revanche, comme une « spectatrice passionnée », qui avait opté pour une spécialisation théâtre lors de ses études littéraires.
Son entrée à l’école du Nord à Lille n’était donc pas préméditée. « En fait, j’étudiais à l’école normale supérieure de Lyon pour devenir enseignante-chercheuse et j’ai décidé de faire une année de césure durant laquelle je me suis inscrite à l’école du jeu, à Paris, et un ami, Micha Lescot que je consdière comme le meilleur acteur français, m’a encouragée à passer des concours et il m’a soufflé le nom de l’école du Nord. Je me suis inscrite deux heures avant la dead-line sans jamais penser que ça pourrait fonctionner. »
Nine d’Urso a pourtant intégré la prestigieuse structure alors encadrée par Christophe Rauck, où elle a effectué des rencontres décisives. « Il y a eu Alain Françon, le parrain de notre promotion ou encore Cécile Garcia Cogel, une intervenante qui m’a donné les bases techniques, elle était très sévère mais elle avait la qualité rare de ne laisser tomber personne, un peu comme David Bobée mais d’une autre façon ».
Loin d’être une brebis égarée
De ses années lilloises, Nine d’Urso a gardé de précieux enseignements mais aussi un souvenir impérissable, celui des « Croquis de voyage » : « Lors du premier mois de la troisième année, on devait partir un mois en voyage, en totale déconnection, sans téléphone, sans ordinateur. J’ai décidé de suivre des bergers dans les Pyrénées pour expliquer les transhumances, explique-t-elle. Je n’ai pas eu de mal à respecter les consignes car il n’y avait pas de réseau, pas d’eau, pas d’électricité, juste deux messieurs, trois chiens et 2 400 brebis. Ça a été l’expérience la plus folle, la plus joyeuse, la plus éprouvante de ma vie. En revenant, j’ai préparé une mini-pièce de 20 minutes intitulée Oh Rambonette ! Avec en sous-titre « Toutes les brebis s’appellent Francis ». Ces gens, que je retourne d’ailleurs voir, m’ont appris le rapport au corps, au silence, à la conversation, à la persévérance… »
Dans une promotion riche en auteurs (Noham Selcer, Constance de Saint-Rémy ou encore Nicolas Girard-Michelotti), Nine d’Urso n’a jamais eu de vraies velléités de mise en scène mais elle n’a pas trop eu le temps de se poser de questions puisque deux semaines après sa sortie de l’école, David Bobée lui proposait déjà de jouer dans Peer Gynt. Elle l’a retrouvé récemment pour Dom Juan, où elle alterne entre un personnage masculin Dom Carlos, la plupart du temps, et un féminin, celui d’Elvire, en remplacement plus occasionnellement de Nadège Cathelineau.
Entre deux, les projets n’ont pas manqué avec un opéra, Ariane et barbe bleue , mis en scène par Mickael Serre, composé par Paul Dukas, sur un livret de Maurice Maeterlinck, mais aussi la création d’une exposition immersive avec Joaquim Fossi, autre ancien camarade de promo ou encore une installation avec ses dessins dans une galerie parisienne.
Série et cinéma
Dans son registre premier de comédienne, on la retrouvera début janvier dans la peau du mannequin Colette dans la série Balenciaga, consacrée à la vie du célèbre créateur, et qui sera disponible sur Disney+. Un passage dans le monde de la mode qu’elle connaît bien à travers à la carrière de sa maman, Inès de la Fressange.
Nine d’Urso partagera aussi l’affiche avec Nora Hamzaoui, Vincent Macaigne et Micha Lescot du dernier film d’Olivier Assayas, Hors du temps , dont la sortie est prévue en avril 2024. Un film pour lequel, elle nous avoue avoir commis un petit mensonge : «Pour avoir le rôle, j’ai dit à la directrice de casting que je savais jouer au tennis, j’ai donc vite pris des cours intensifs », sourit-elle.
Fan de la comédienne Évelyne Istria (inoubliable Electre), à laquelle elle consacra un mémoire durant ses études, Nine d’Urso mesure sa chance d’avoir l’opportunité d’explorer autant de terrains de jeu, elle qui a aussi choisi cette voie pour « pouvoir faire tous les métiers du monde ».