C’est un rendez-vous désormais très attendu. Chaque nouvelle création des différentes promotions des élèves de l’école du Nord est scrutée avec beaucoup d’intérêt. Ce mardi (18 h), les pensionnaires du Studio 8 joueront, pour la première fois, la pièce « 15 Trump en colère se noyant dans leur propre merde », une libre adaptation de « Douze hommes en colère », avec une mise en scène signée Jonathan Drillet et Marlène Saldana. La petite salle du théâtre du Nord, propice au huis-clos proposé pour ce spectacle, devrait faire le plein toute la semaine.
Une pièce qui se veut une satire de l’Amérique de Trump, une sorte de farce même si la réalité est parfois bien plus troublante que la fiction. La fausse vidéo, générée par l’intelligence artificielle, présentant le président américain dans la peau d’un pilote d’avion déversant des tonnes d’excréments sur des manifestants constitue une promotion inespérée pour la pièce montée au théâtre du Nord. « Le timing est parfait, ça tombe à pic, sourit Takumi de Valette, l’un des comédiens. C’est tellement énorme et ridicule. On se dit que finalement on ne va pas si loin. »
Si les metteurs en scène leur ont transmis de nombreux extraits des déclarations de Trump, l’actualité sert également pas mal de thèmes à exploiter sur un plateau d’argent. « Mon fil instagram est rempli de citations de Trump poursuit Djénaé Segonds, également comédienne. Au début du travail, je me souviens qu’on échangeait entre nous le matin sur ce qu’il avait fait ou dit et ça donnait régulièrement de la matière, des choses à creuser »
Au-delà de la satire, cette pièce est aussi en quelque sorte un acte politique qui dénonce les préjugés de race et de classe. « On essaie bien sûr de faire rire les gens mais ça peut être des rires nerveux, poursuit Djénaé. C’est intéressant de voir comment résonnent les mots de Trump, presque sans que l’on modifie ses phrases, lorsqu’ils sortent de la bouche d’autres personnes ».
Face à une telle hérésie, on peut soit rire, soit pleurer, abonde leur camarade Soren Hamzaoui Lapeyre. Là, on a monté une forme qui permet plus d’en rire que d’en pleurer. Marlène nous dit souvent, que peu importe ce qu’on fait, il y aura toujours pire dans le monde que ce qu’on présente sur scène. On a sorti des abominations pendant ces répétitions mais si on s’attarde un peu sur les informations reliées à Trump ou sur les réseaux sociaux, en fait, on n’est pas tellement au-dessus. »
« Le titre peut interpeller mais si on y regarde bien, tout ce qui se passe, ça ne sent pas très bon », renchérit Djénaé. « Je pense qu’il y aura plusieurs lectures de la pièce, peut-être même que certaines personnes trouveront ça énervant et si c’est le cas, notre pari sera aussi réussi », estime Takumi.
Sur scène, tous les comédiens porteront tous des chemises blanches, des cravates rouges, des mèches blondes et auront la peau du visage orangée pour interpréter ces quinze Trumps en colère. Douze jouent les jurés, tandis que les trois autres, placés sur le côté, sont en quelque sorte les commentateurs radios de ce procès qui doit déterminer si un jeune homme d’origine modeste, accusé du meurtre de son père, doit être envoyer ou non sur la chaise électrique. « Ces trois personnes sont là pour un peu parasiter ce qui se passe sur le plateau, ça raconte aussi quelque chose de ce qui se passe aux États-Unis avec cette volonté de polluer les médias, explique Djénaé. Le spectateur ne sait plus où donner de la tête, qui croire, qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux ? »
Afin de construire cette satire, les élèves du studio 8 ont d’abord rejoué la pièce initiale et ont laissé cours à leur imagination. « J’avoue qu’à la première lecture, je ne voyais pas du tout comment les Trumps allaient s’insérer dans cette pièce, concède Soren. On a commencé à jouer, on a tout filmé, on faisait des improvisations. Dès que quelqu’un avait une bêtise en tête, il se laissait porter, on voyait jusqu’où ça allait. Il y a eu plein de choses nulles qu’on ne gardait pas mais il a aussi eu des pépites qui sont dans le spectacle. »
« La pièce aurait pu durer 3 heures si on s’était laissé aller à toutes nos divagations, conclut Takumi de Valette. À un moment donné, il fallait faire des choix en voyant ce qui fonctionnait ou pas, au plateau et dans la trame narrative de ce que l’on voulait raconter. »
« 15 Trump en colère se noyant dans leur propre merde », au théâtre du Nord, du mardi 4 au vendredi 7 novembre (18 h), le samedi 22 novembre (16 h), le mercredi 21 et jeudi 22 janvier (18 h), jeudi 2 et vendredi 3 avril (18 h). Une pièce mise en scène par Jonathan Drillet et Marlène Saldana, et jouée par les élèves du studio 8 de l’école.