Intéressé comme la plupart des Français par l’affaire Bettencourt, Thierry Klifa a tout de suite eu une vision bien précise de l’adaptation qu’il pourrait en faire. Dans « La femme la plus riche du monde », le réalisateur a décidé d’explorer le thème de la famille dans ces milieux très aisés. « Si le but était uniquement d’illustrer le fait divers, je n’y serais pas allé, avoue-t-il. J’ai vu qu’il y avait une matière très riche, ça raconte une époque, un monde dans lequel on n’a pas vraiment l’habitude de pénétrer, qui a sa morale, ses codes, son bon goût. Un milieu où il y a évidemment de l’argent mais où il ne se voit pas nécessairement. Il y avait tout un travail à faire sur la direction artistique, on a beaucoup réfléchi aux décors et aux costumes avec mon chef opérateur. »
L’homme a rapidement décidé que « le ton de la comédie serait le mieux adapté une histoire qui relève autant du roman balzacien que de la tragédie shakespearienne et aide à faire passer des aspects plus sombres, plus noirs. » « Le comportement des personnages prête également à sourire, poursuit-il. Ils sont drôles sans le savoir, on rit de leur méchanceté, presque comme une protection. »
Le choix des comédiens est aussi une vraie réussite. Isabelle Huppert campe avec toute sa classe cette riche héritière d’un empire cosmétique qui trouve dans la folie et l’impertinence d’un jeune photographe, un moyen d’échapper à l’ennui du quotidien et l’opportunité de s offrir une nouvelle jeunesse. « ça faisait longtemps que j’avais envie de travailler avec elle , admet Thierry Klifa. Elle était toujours de bonne humeur, joyeuse avec de l’envie. C’était un plaisir similaire à celui que j’ai connu en travaillant avec Catherine Deneuve. »
Que dire de Laurent Lafitte, tout simplement exceptionnel dans la peau de ce jeune artiste photographe, un trublion fantasque qui envoie valser toutes les conventions et les bonnes manières, s’attirant tout autant les grâces de la femme la plus riche du monde que les foudres du reste de la famille et notamment de la fille jouée par Marina Fois.
Laurent Lafitte parvient à pousser les curseurs très loin mais jamais trop loin et réussit la prouesse de faire en sorte qu’on ne haït pas totalement ce personnage qui est pourtant détestable à bien des égards. « C’était tout l’enjeu, ce sont des équilibres qui sont assez ténus, confie-t-il. Je n’avais pas ressenti la nécessité de me replonger dans l’histoire Bettencourt mais j’ai parlé du vrai photographe, François-Marie Banier, dont mon personnage est inspiré, avec des gens qui le connaissent bien. »
Le comédien a néanmoins apprécié de pouvoir délivrer sa propre vision du personnage : « Il n’est pas jugé, pas condamné, il n’est pas non plus blanchi de tout. C’est aussi ce que j’ai aimé à la lecture du scénario, il n’y a rien de définitif sur les personnages, ça évite d’être top manichéen. C’est d’ailleurs intéressant de voir les réactions des gens après le film. Certains le prennent pour un Robin des bois, d’autres ne voient en lui qu’un escroc. »
Laurent Lafitte s’est aussi réjoui de retrouver Isabelle Huppert, avec laquelle il avait déjà connu « une intimité mais bien plus violente » dans le film « Elle » de Paul Verhoeven. « C’est toujours une chance de travailler avec elle, ça pourrait être intimidant mais quand vous êtes face à une partenaire qui est supérieurement intelligente, qui n’entretient pas ce qui pourrait vous mettre mal à l’aise et sait, à l’inverse, très bien ce qu’il faut faire pour que vous ne soyez pas impressionné et bien vous ne l’êtes pas. »
Au sein de cette galerie de comédiens remarquables, il convient d’associer Raphaël Personnaz qui évolue dans un tout autre registre. « Il fallait quelqu’un qui joue davantage sur les silences, le mystère. J’étais persuadé que Raphaël serait capable d’être le contrepoint de ces personnages qui ont chacun une sorte de folie en eux », indique Thierry Klifa.
« C’était très intéressant et en même temps parfois frustrant d’être spectateur de certaines séquences, confie l’intéressé. Je voyais et le jeu d’Isabelle, de Laurent et Marina se développer, tous les enjeux se créer devant moi et seulement après vient le moment où ce personnage va un peu plus exister et se donner une place que personne ne lui donne et qui finit par dépasser son rôle. C’est souvent le cas avec ces personnages de majordome qui se croient les garants d’une famille, de ses traditions, qui sont parfois encore plus nobles que leurs employeurs. »
« La femme la plus riche du monde », un film de Thierry Klifa, en salle depuis ce mercredi 29 octobre, avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Marina Fois, Raphaël Personnaz…