
Star du hit-parade dans les années 1980, avec des tubes comme En rouge et noir, Toute première fois ou Johnny Johnny, que l’on continue plus de quarante après à entendre dans nombre de soirées, Jeanne Mas n’a jamais cessé de faire de la musique. Son dernier album « Mon elixir » est dans les bacs et une tournée en province a été mise sur pied pour fêter ses 40 ans de carrière, avec notamment un passage ce dimanche 23 mars (17 h) au théâtre Sébastopol. Planète Lille a pu rencontrer la chanteuse et l’interroger sur ses projets, ses retrouvailles avec le public et son regard sur l’évolution de l’industrie musicale.
Jeanne, vous n’aviez plus fait de tournées en France depuis un moment, comment avez-vous appréhendé ce retour ?
« J’avais fait quelques dates à Paris l’an passé mais c’est vrai que ça faisait tellement longtemps que je n’étais plus allée en province. Cette tournée était importante car je voulais revoir ce public pour fêter mes 40 ans de carrière et, surtout allez voir les gens chez eux. Alors forcément, il y a toujours du stress parce que l’on a envie de bien faire et on se demande si on va être à la hauteur des attentes. »
Cette tournée passe dimanche par le théâtre Sébastopol à Lille. Quels souvenirs gardez-vous de vos concerts dans le Nord ?
« Toujours une immense émotion car c’est un public extrêmement chaleureux. Les gens sont toujours très accueillants. »
A quoi doit s’attendre le public ce dimanche ?
« Il y aura déjà tous les tubes que les gens connaissent et que l’on partage de nouveau. Il n’y a pas grand-chose du nouvel album parce qu’il fallait surtout choisir pour ces quarante ans de chansons des titres qui ont représenté quelque chose dans ma carrière. Il y a Angela (l’art des femmes), S’envoler jusqu’au bout, Shakespeare. C’était compliqué de choisir. »
Est-ce que la préparation de ce spectacle a été l’occasion de poser un regard sur vos 40 ans de carrière ?
« Oui, en réécoutant certaines chansons, je me suis dit qu’il y en a plusieurs que je n’ai jamais faites sur scène et certaines que je n’ai pas faites souvent. Il y avait aussi l’envie de chanter, de nouveau, certaines chansons. Les choix se sont faits aussi en accord avec mes musiciens, c’est un travail d’équipe. »
Est-ce que ça vous épate de constater que certains de vos tubes traversent les décennies, les générations ?
« J’ai été très présente dans les années 1980, moins à partir des années 1990. Je suis partie aux États-Unis mais je crois tout simplement qu’à un moment les chansons ne vous appartiennent plus, elles font partie de la vie du public, de la vie de chacun. C’est ça qui est formidable et je suis fière d’avoir pu composer des chansons qui traversent le temps et qui ne sont pas si démodées que ça. En réécoutant Johnny Johnny l’autre jour à la radio, j’ai réalisé qu’elle avait encore sa forme de modernité. Ses arrangements étaient très recherchés et sont encore très actuels. Aujourd’hui je suis plus dans la musique électronique mais je crois que les fans ont aimé Andalouses sur mon dernier album car il y a un son électronique avec une sensation des années 1980. En plus ma voix est très similaire à celle de l’époque. »
Vous ne faites pas beaucoup de chansons du nouvel album, ça signifie qu’il n’y avait pas de corrélation entre sa sortie et cette tournée ?
« Non, ce sont des projets différents. Il n’était pas question de l’album quand on a décidé la tournée mais en rentrant chez moi aux États-Unis après les concerts de 2024 à Paris, j’étais épuisée et puis peu à peu pour combler le vide vu que j’avais un an devant moi je me suis remise à travailler, j’avais envie de créer des nouveautés et l’album est né spontanément. J’ai hésité à le sortir car je me disais qu’il était trop différent de ce que je faisais avant, que ça pouvait déstabiliser les gens mais c’est dans mon tempérament d’oser. Les fans ont été déconcertés par le premier single, Nous, qui est très électronique mais par la suite avec Les vieux amant, les gens ont adhéré. L’album a fait son chemin, ça me touche de parvenir à conquérir les cœurs en ayant cette indépendance, cette liberté artistique. »
Vous abordez pas mal de thèmes différents sur l’album, vous ne cherchiez pas spécialement un fil directeur ?
« Non, ce qui me tenait à cœur c’était d’amener une nouvelle forme d’arrangements. Je partais d’une séquence, une ritournelle et je construisais autour en y posant mes textes et ma mélodie. Ça a été une nouvelle forme de créativité. »
Vous avez annoncé que ça pourrait être votre dernière tournée mais est-ce que vous continuerez la musique ou est-ce que vous aimeriez expérimenter de nouvelles choses ?
« J’adore faire rire, donc peut-être qu’un jour, je reviendrai avec une comédie. Partager le rire, c’est comme partager la musique, ça fait du bien. J’adore les comédies, on a tellement besoin de rire, ça guérit et on digère mieux, paraît-il. En fait, je ne sais pas ce que je vais faire demain. Pour l’instant, je me consacre à cette tournée, au bien-être que me procure l’échange avec le public. En début de carrière, on vit tellement de choses qu’on ne savoure peut-être pas l’instant qu’on partage et c’est justement un peu l’objectif de cette tournée : savourer, chaque salle, chaque ville. La vie passe très vite, il faut vivre chaque instant. Quand on est jeune, on a envie de tout avoir, de tout vivre, on ne réfléchit pas, on se lance et c’est très bien comme ça mais on réalise à 40 ans à 50 ans puis à 60 ans qu’on n’a pas pris le temps et donc maintenant je savoure. »
Comment avez-vous vécu l’évolution de la musique, de son industrie ?
« Très mal. J’arrive d’une époque, les années 1980, où on avait des tas d’émissions de variété, où on pouvait venir faire notre métier. Aujourd’hui, c’est du marketing et je n’aime pas me vendre, exposer ma vie personnelle. Mon métier c’est écrire, composer et chanter car je suis avant tout une interprète. On avait les radios mais tout est en train de disparaître pour le streaming où les gens dépensent une petite somme chaque mois et nous on ne gagne rien. Si ça rend les gens d’aujourd’hui heureux, je m’adapte mais je ne m’adapterai pas trop longtemps. En plus, produire un album coûte assez cher, il faut payer les musiciens, les arrangeurs, les studios. Alors c’est vrai qu’on arrive à travailler avec le monde entier depuis chez soi à travers le web mais il manque cette chaleur que l’on avait quand on était en studio. Il valait mieux être une artiste dans les années 1980 qu’en 2020. Tout est devenu compliqué pour les jeunes. Pour vivre de sa passion, il faut partir en tournée mais c’est compliqué aussi pour le public car tout augmente et c’est un sacré budget pour aller voir un spectacle, surtout si on a des enfants. »
Jeanne Mas, en concert ce dimanche 23 mars (17 h) au Théâtre Sébastopol de Lille