
Grande admiratrice de l’actrice Vivian Leigh, Cristiana Reali a rêvé presque toute sa carrière de marcher sur ses traces et d’incarner Blanche Dubois dans Un tramway nommé désir. Après plusieurs requêtes infructueuses, elle a enfin décroché ce rôle à l’approche de la soixantaine grâce à Richard Caillat qui a accepté de produire le chef d’oeuvre de Tenessee Williams et retenir sa candidature pour le personnage principal. Une pièce qui fera étape le mercredi 23 avril au Colisée de Roubaix.
« J’avais été très heureuse de jouer dans une autre pièce de cet auteur, La chatte sur un toit brûlant, mais je voulais absolument ce rôle de blanche Dubois. À 35 ans, on m’a dit que j’avais le temps, que j’étais trop jeune, se souvient la comédienne. Même chose à 45 ans, ce que j’ai moins compris car le personnage a environ 35-40 ans dans la pièce et puis, à cinquante ans, j’ai rencontré un producteur qui lui n’était juste pas intéressé par la pièce. J’ai donc pensé que c’était trop tard, que ça ne se ferait jamais, jusqu’à cette rencontre avec Richard Caillat… »
L’homme a bien tenté de repousser un peu le projet mais Cristiana Reali a refusé : « J’ai bien fait car c’est un rôle épuisant, je suis lessivée après chaque représentation, confie-t-elle. Je me suis toujours demandée pourquoi le rôle n’avait été joué que par des femmes de 50 à 60 ans et j’ai compris en le jouant : il faut une maturité de femme et une expérience d’actrice pour être à l’aise dans le personnage. »
« C’est le plus grand rôle du répertoire classique, assure-t-elle. Il y a Hamlet pour les hommes et Blanche Dubois pour les femmes. C’est vraiment physique, deux heures et quart sans sortir de scène, elle bouge beaucoup, il y a des moments où elle devient un peu folle et se met à danser. C’est une femme torturée, brisée par la vie, humiliée. Même si elle était bourgeoise, elle a grandi dans un milieu compliqué. Elle n’est pas folle au départ mais c’est un oiseau blessé, la folie vient de la blessure. »
Passionnée par l’âme humaine, Cristiana Reali se régale dans ce rôle : « Il y avait plein de choses à jouer là-dedans, poursuit-elle. J‘aime le regard des jeunes metteurs en scène sur ce genre de propos, sur la violence de la vie sur une femme, l’emprise. Je ne fais pas du théâtre pour raconter des histoires de monsieur tout le monde, j’aime les rôles où on s’investit, sinon ce n’est pas la peine, autant lire un livre. »
Sa performance a d’ailleurs valu à la comédienne de se voir décerner un César l’an passé, une récompense après laquelle elle courait depuis de longues années. « J’avais été déjà nommée six fois auparavant sans jamais l’avoir, rappelle-t-elle. Mon père en était très triste et il me disait qu’ils ne me le donneraient jamais parce que je n’étais pas Française. Je mettais un point d’honneur à lui dire qu’il racontait n’importe quoi mais c’est vrai que la cinquième ou sixième fois, j’ai commencé à me dire qu’il avait peut-être raison et que ça ne valait plus le coup que j’y aille. J’aurais aimé l’avoir pour mon rôle de Simone Veil mais je suis tout de même ravie de l’obtenir avec celui de Blanche Dubois, mon désir de jeunesse, mon rêve d’actrice. »
« Un tramway nommé désir », une pièce de Tennessee Williams, ce mercredi 23 avril (20 h) au Colisée de Roubaix. Avec Cristiana Reali, Lionel Abelanski, Allyson Paradis.