Ses chansons ont bercé l’enfance de plusieurs générations. « Bécassine », « Pandi Panda », « Voulez vous danser grand-mère », « Un lapin » sont des titres connus de tous. Après cinquante ans de carrière de chanteuse, Chantal Goya continue de faire rêver petits et grands. Elle sera ce dimanche 7 décembre (15 h) au Zénith de Lille pour un spectacle anniversaire « Cinquante ans d’amour. »
Chantal, si on se replongeait 50 ans en arrière, auriez-vous pu imaginer réussir une telle carrière ?
« Absolument pas mais j’ai une anecdote à ce sujet. Lors de mon spectacle « La Planète » merveilleuse » en 1982, j’étais au palais des Congrès, c’était aux alentours de Noël. Louis de Funès était dans la salle, c’était quelques semaines avant son décès. Il y avait aussi Barbara, qui était très amie avec mon mari Jean-Jacques (Debout). Elle est venue dans ma loge et m’a dit : « Ma petite Chantal, ce que tu es en train de faire est incroyable et dans 40 ans tu seras encore là, tu deviendras une institution. Elle avait eu raison mais elle était très médium, elle ressentait les gens. »
Avec le recul, comment expliquez-vous aujourd’hui cette longévité ?
« En fait, il y a presque deux carrières. Il y a une première partie dans les années 1960-1970 où je faisais du cinéma avec Jean-Luc Godard, Pierre Tchernia. Alfred Hitchcock m’avait contactée pour « L’étau » mais je n’ai pas pu le faire car j’étais enceinte. J’ai joué avec des grands acteurs comme Philippe Noiret et Gérard Depardieu : c’était une parenthèse dans ma vie. La musique c’est grâce à Maritie et Gilbert Carpentier. Un jour, en 1975, Brigitte Bardot étant malade, il leur manquait quelqu’un en dernière minute pour leur émission. Maritie m’a contactée mais je n’avais pas de chanson, elle m’a alors dit de demander à Jean-Jacques de m’en écrire une en urgence et qu’elle m’envoyait une équipe pour l’enregistrer dans les studios de la SFP (Société Française de Production). C’est ainsi que j’ai chanté « Adieu les jolis foulards ». Ma mère et mes grands-parents étant de La Martinique, ils m’ont conçu ce décor de maîtresse d’école qui quitte son île et ça a tellement bien fonctionné que TF1 a reçu les jours suivants plus de 500 000 lettres. Maritie m’a dit que j’étais faite pour les spectacles pour enfants. J’ai enregistré un disque qui, au début, n’intéressait personne, j’allais laisser tomber jusqu’à ce que le président de chez RCA ne vienne me proposer de le sortir tout de suite. En trois jours, on en a vendu un million d’exemplaires. Comme quoi c’était écrit. J’ai souvent chanté à Beyrouth et les gens du Liban me disaient que ce n’était pas du show-business mais une mission. »
J’imagine que faire un tri parmi des centaines de chansons pour monter ce spectacle des 50 ans de carrière n’a pas été chose simple. Comment avez-vous procédé ?
« J’ai un hangar où j’ai gardé tous les décors de mes précédents spectacles : monsieur le chêne, le carrosse escargot, le soulier qui vole. On a gardé les plus beaux décors. Pour les chansons, le choix n’était pas facile mais on a mis quelques medleys pour en faire davantage. Il y en a un sur des chansons que je ne chante plus du tout comme « Allons chanter avec Mickey », « Riri, Fifi, Loulou » ou « Les malheurs de Sophie » et un autre avec des personnages qu’on ne voit plus comme le professeur Nimbus, Zig et Puce ou Felix le chat. »
Vous aviez encore toutes vos chansons en tête ou a-t-il fallu en retravailler certaines ?
« Tout était dans ma tête, dès que la première note arrive c’est bon. Même mes gestes reviennent tout de suite. Je reprends des titres que je n’avais plus chantés depuis longtemps. ll y a aussi quelques inédits dont « 50 ans d’amour », qui est très jazz avec douze danseurs et j’ai renoué avec la tradition en remettant une dizaine d’enfants sur scène. C’est la plus belle école de la vie. Certain(e)s seront peut-être un jour des professionnel(le)s du chant, de la danse, de la comédie. »
Dans le public, il y a des gens qui étaient des enfants à vos débuts qui sont les parents et même les grands-parents d’aujourd’hui. Vous êtes une madeleine de Proust pour beaucoup de gens, vous en avez conscience ?
« Oui je demande dès mon arrivée sur scène où sont les petits d’hier et puis je parle beaucoup avec le public et je m’efforce de faire rire aussi bien les adultes que les enfants avec mes histoires. Si les gens me considèrent comme leur madeleine de Proust, c’est formidable, c’est précieux pour moi, ça veut dire que malgré toutes ces années, ils ne m’ont pas oubliée. Dans cette période un peu troublée, je crois que les gens ont aussi besoin de cette parenthèse de l’enfance, cette respiration d’innocence, de fraîcheur… Ma force, c’est que je représente un peu la famille, des souvenirs d’enfance. »
Quel est le secret de votre énergie ?
« J’ai toujours eu cette espèce de joie de vivre. Petite mais encore aujourd’hui, je suis émerveillée de tout. Même si parfois la vie est dure, je suis une battante, je ne laisse pas tomber. J’ai été élevée comme ça. Quand j’ai quitté le Vietnam à l’âge de 4 ans, on aurait dû être assassinés avec ma famille mais on s’en est sortis par miracle et ma force doit venir de là. J’ai toujours beaucoup de recul sur les choses graves ; je suis toujours positive, même quand mon mari m’a annoncé qu’il avait un cancer, je lui ai dit qu’on allait se battre et le vaincre ensemble. »
Avez-vous encore envie de faire de nouveaux albums ?
« On verra. Pour l’instant, on a déjà sorti l’album des 50 ans d’amour mais aussi un livre musical aux éditions Gründ. C’est en train de faire un carton et j’en suis très heureuse. »
Y-a-t-il un souvenir de ces cinquante ans plus marquant que les autres ?
« Le plus fort, c’est quand j’étais au Liban, c’était la guerre et Jean-Jacques m’avait écrit une très belle chanson « Les enfants du Liban ». Nous sommes allés voir l’église Saint-Georges à Beyrouth. Elle était fermée, il y avait des fils barbelés mais nous avons quand même réussi à entrer et quand nous sommes ressortis, l’armée libanaise m’a dit que j’étais complètement cinglée, que l’église était minée. On était, en effet, totalement inconscients mais ça reste un souvenir très fort. »
Le spectacle de Chantal Goya « 50 ans d’amour » est programmé ce dimanche 7 décembre (15 h) au Zénith de Lille et le mercredi 10 décembre (15 h) au théâtre Jean Ferrat de Fourmies.