
Depuis quelques années, le Main Square Festival d’Arras fait la part belle aux pépites émergentes de la région en leur dédiant pendant trois jours une scène baptisée Le Bastion. L’occasion de faire quelques belles découvertes comme Adahy, artiste non binaire originaire de Lille, lauréat(e) du concours Hauts les talents en 2024, et déjà aperçu.e sur de grands scènes régionales comme Le Grand Mix ou en première partie de François and the Atlas Mountains, il y a quelques mois à l’Aéronef. Rencontre…
Visiblement, vous avez un lien fort avec le Main Square, expliquez-nous ?
« Oui, je suis venue pour la première fois en 2014 pour voir Iron Maiden et je suis ensuite revenue plusieurs fois, notamment pour écouter Muse et Lenny Kravitz. J’ai pas mal de souvenirs avec ce Festival. En 2023, comme je mixe aussi un peu, j’avais été invitée sur une carte blanche de « Laisse tomber les filles » pour mixer dans les cabanes. Je m’étais alors promis qu’un jour, je serai sur l’une des scènes du festival avec mon projet de chanson. Deux ans plus tard, la mission est remplie, c’est une fierté, une consécration à mon petit niveau. »
Tout s’enchaîne bien ces derniers mois avec ce festival mais aussi des concerts sur des grosses scènes régionales…
« Oui, je suis un peu identifié.e dans la région. C’est forcément valorisant, ça veut dire que l’on fait bien les choses, que le travail paye. C’est le fruit de beaucoup de prospection, de réseautage ; il faut être un peu partout. »
Est-ce que vous vivez désormais de votre musique ou avez-vous encore un travail à côté ?
« Je suis géographe de formation, j’ai un contrat qui s’est terminé en décembre, ça tombait bien car j’avais besoin de temps pour enregistrer mon futur EP et prendre du temps pour moi, pour me comprendre sur des points de santé mentale, ce que l’on ne peut pas faire avec des semaines de 60 heures entre les 40 heures de travail et les 20 heures de musique. L’an passé, je ne soufflais pas une seconde. Là, j’ai plus l’impression de pouvoir prendre mon temps mais l’environnement et l’aménagement du territoire, c’est toujours une passion et c’est quelque chose vers lequel j’aimerais potentiellement revenir d’une façon ou d’une autre mais c’est compliqué quand on veut mener une carrière artistique en parallèle. »
Le deuxième EP, 2°C, est sorti en octobre. Le troisième est sur les rails, vous aviez des titres en stock ou vous écrivez rapidement ?
« J’avais déjà des projets, des morceaux en cours de route car pour sortir cinq titres, on en fait généralement deux fois plus mais là j’ai tout écrit et composé entre décembre et février. J’étais en studio en mai, c’est dans la boîte, Je n’avais jamais produit aussi vite. J’ai découvert d’autres manières de travailler, notamment le matin alors qu’habituellement, c’était plutôt la nuit. Mon label avait proposé de financer ce troisième EP, quelqu’un me faisait confiance alors il fallait que je sorte quelque chose (rires). »
Vous avez l’étiquette d’artiste engagé.e. De quoi sera-t-il question dans ce prochain EP ?
« Ce sont toujours un peu les mêmes thèmes qui reviennent : l’environnement, la quête de soi, l’injustice sont mes sujets de prédilection. Je les traite dans chaque EP mais avec des mélodies différentes et surtout un autre regard. Dans le premier, c’était celui de l’adolescence, pour le suivant j’avais la vingtaine et là j’’approche des trente ans, je suis plus adulte, j’ai une écriture plus libérée. Je pense aussi que c’est plus poétique avec une vraie inspiration de la plume de Daniel Balavoine. Je parle de la misère du monde, de la guerre, je me demande comment expliquer que des gens avec lesquels on jouait dans la cour d’école nous insultent aujourd’hui pour nos différences. Je suis malgré tout moins dans le sombre, j’ai chanté la dureté de la vie, l’anxiété dans les opus précédents une chanson aussi qui parle de se laisser le temps d’aller mieux, sur la santé mentale encore. J’essaie de proposer des titres plus dansants, de mettre un peu plus de « good vibes, »
Hormis Balavoine, quelles sont vos références dans le milieu de la musique ?
« J‘ai été biberonné.e au rock, des artistes comme ACDC, les Red Hot puis j’ai commencé à kiffer un peu le rock psyché, j‘ai découvert Radiohead, qui est vraiment l’un de mes groupes préférés puis après le disco, la funk, des artistes comme Jamiroquai et Commodores mais je trouve qu’il y a aussi des artistes cools dans la pop française comme Clara Luciani, Juliette Armanet, Zaho de Sagazan, et je me suis même mis.e aux musiques électroniques. Je m’aime pas être réduit.e à un style musical, enfermé.e dans une case. Après je dois déjà me faire accepter en tant que non binaire, c’est très compliqué alors pour la musique peu importe, les gens me mettent une étiquette pop qui me va très bien. Pour l’instant, j’écris seule, ça me tient à cœur mais c’est trop cool, très enrichissant de faire des collaborations, de ne pas être la tête dans le guidon, seul.e dans son coin donc s’il y a de belles opportunités, ce sera avec plaisir. »
Ce passage au Main Squara va peut-être ouvrir de nouvelles portes ?
« Ce serait bien, j’imagine que pas mal de personnes qui travaillent dans musique viennent aussi pour repérer des artistes mais c’est vrai que les temps sont durs, les budgets restreints et c’est difficile d’obtenir des dates de concert. »
Les titres d’Adahy sont disponibles sur les plateformes d’écoute habituelles.