Le bonheur est dans le pré. C’est du moins ce que pensaient Adélaïde (la Maubeugeoise Camille Lou) et Simon (Hakim Jemili), à l’heure de fuir l’enfer de leur petit appartement parisien pour offrir une grande maison et un bel écrin de verdure à leurs enfants.
Les deux tourtereaux, pris pour des pigeons par une Chantal Ladesou, excellente en agente immobilière sans scrupule, vont hélas vite déchanter en réalisant qu’ils risquent, sur leur propre terrain, de devenir les gibiers d’une horde de chasseurs menée par Didier Bourdon (on n’osait en rêver trente ans après le truculent sketch des Inconnus). La guerre entre « les tarés de Paris et les fous de la campagne », comme l’indique le personnage de Thierry Lhermitte dans le film, est déclarée et tous les coups, même les plus bas, sont permis.
Menée tambour-battant par un casting multigénérationnel de qualité, cette comédie évite l’écueil de la caricature et fait mouche avec une galerie de personnages hauts en couleur (mention spéciale à Julien Pestel, un chasseur pas comme les autres). Les réalisateurs Frédéric Forestier et Antonin Fourlon réussissent la prouesse, sur un thème sensible en France, d’égratigner tout le monde sans être moralisateurs. « On ne voulait heurter personne et la meilleure façon d’y parvenir, c’était de de se moquer de tout le monde avec bienveillance », confirme le premier nommé. « On a voulu montrer la diversité de ce milieu, les histoires, les parcours humains qu’il y a au-delà de la tradition et du loisir. »
En convaincant Didier Bourdon d’incarner ce chasseur tellement dévoré par sa passion qu’il en délaisse sa femme, les deux hommes ont touché une forme de Graal. « C’était un rêve et bien évidemment notre premier choix pour ce personnage, confient-ils. Ça lui a plu de jouer ce personnage plus humain, moins caricatural que ce qu’il avait fait à l’échelle du sketch. En 30 ans, la chasse a énormément changé. »
« La représentation du chasseur en hétéro bourru est dépassée, poursuit Jean-François Cayrey, séduit par son personnage de chasseur homosexuel qui élève des poules. Je suis venu sur ce film pour ce personnage inattendu et, surtout, pour le scénario, cette manière de ne pas traiter la chasse de manière manichéenne. »
Derrière le thème central de la chasse et du bien vivre ensemble, les réalisateurs abordent une multitude de vrais sujets comme les clichés sur les traitements infligés aux néo-ruraux, la désertification rurale (risque de fermeture d’une école), les arnaques immobilières ou encore ce désir, qui a explosé durant le confinement, de quitter les grandes villes pour aller s’installer à la campagne.
La qualité du casting apporte un vrai bonus avec une Camille Lou qui conserve la particularité d’être employée uniquement dans le registre de la comédie au cinéma, alors qu’on la voit essentiellement dans des rôles dramatiques à la télévision. « Je me pose aussi la question de savoir pourquoi ça fonctionne ainsi, j’ai déjà réussi à faire les deux domaines, ce qui n’était pas forcément gagné. On met encore beaucoup les gens dans des cases », estime la jeune femme, que l’on retrouvera prochainement sur le petit écran dans une adaptation très attendue du dessin animé Cat’s eyes.
Chasse gardée, en salle (TF1 Studios et UGC), dès ce mercredi 20 décembre. Réalisé par Frédéric Forestier et Antonin Fourlon avec Camille Lou, Hakim Jemili, Didier Bourdon, Jean-François Cayrey, Thierry Lhermitte et Chantal Ladesou.